Dans un monde de plus en plus digitalisé, la communication interne dans l’industrie reste un défi souvent sous-estimé. Pourtant, c’est bien là, au cœur des usines, des carrières et des lignes de production, que se jouent des enjeux fondamentaux : maintenir l’engagement, diffuser les règles de sécurité, donner du sens à l’action collective.
Le groupe Imerys , leader mondial des spécialités minérales pour l’industrie, compte près de 12 400 collaborateurs. Multi-sites, multi-langues, multi-niveaux de connectivité, cet environnement nécessite une stratégie de communication interne sur mesure, d’autant que beaucoup d’employés travaillent dans les usines et n’ont pas d’adresse e-mail professionnelle.
Elena Cozmescu responsable de la communication interne d’une des branches d’activités, en est l’architecte pragmatique et inventive. Son approche s’appuie sur une solution de communication globale qu’elle avait déjà mise en œuvre avec succès dans la Business Area où elle était en poste auparavant, assurant ainsi la continuité de la stratégie à travers les entités du groupe.
I. Penser une communication pour ceux qu’on n’entend jamais
Le Groupe Imerys, a mis en place une communication adaptée à ses publics : une communication corporate pour les grands messages, une communication Business Area pour les orientations communes, et une communication locale adaptée à chaque site.
Le principal outil utilisé pour toucher les collaborateurs sur le terrain?
Loin d’être un réseau social d’entreprise ou une application mobile, c’est l’écran digital d’usine, via la solution Comeen, déployée depuis 2022. Dans des environnements non connectés, l’écran devient un média à part entière : accessible, visible, simple à utiliser. Chaque site gère son propre contenu (70 %), notamment la sécurité, les arrivées, les visiteurs, les anniversaires. Le reste provient du Corporate ou de la Business Area, traduit en 18 langues via une extension maison intégrée à Google Slides.
C’est un système modeste dans les moyens, mais redoutablement efficace dans l’exécution.
II. Une décentralisation maîtrisée, mais pas anarchique
La spécificité du modèle Imerys repose sur une forme rare de décentralisation maîtrisée. Dans la Business Area où Elena Cozmescu est actuellement en poste, chaque site a un ambassadeur qui diffuse le contenu sur les écrans, soit environ 100 relais dans le monde. Ce réseau constitue la colonne vertébrale du dispositif. Ces relais sont formés, impliqués et surtout responsables de l’adaptation locale.
Ce qui fonctionne à Dunkerque ne fonctionnera pas à Ipoh en Malaisie ou à Tianjin en Chine. Ainsi, le carnaval de Dunkerque côtoie les fêtes traditionnelles indiennes et les victoires d’équipes chinoises. Loin d’un discours normatif, la communication devient polyphonique. Chaque écran devient une scène locale.
Cette diversité culturelle, plutôt que d’être perçue comme un obstacle, est intégrée comme un atout stratégique. Loin de tout modèle « copier-coller », le dispositif fait preuve d’un équilibre subtil entre cadre global et liberté d’interprétation.
III. L’indicateur le plus fiable : l’attention spontanée
Dans un contexte industriel, la mesure de l’impact reste un défi. Les outils de KPI traditionnels (taux de clic, ouverture, réaction) ont peu de sens pour des écrans en atelier ou des contenus lus sans connexion. Les tentatives de collecte de données objectives (formulaires en Autriche, boîtiers de vote type aéroport) n’ont pas porté leurs fruits.
Pourtant, un indicateur vivant s’est imposé : la demande spontanée des collaborateurs. Quand les équipes terrain sollicitent l’affichage de leurs vidéos, quand les correspondants réclament du contenu, c’est que l’attention est là.
Et dans ces environnements, l’attention ne s’achète pas. Elle se mérite.
Cette observation renforce une conviction déjà bien établie : l’engagement ne se décrète pas, il se cultive. Pas avec des dashboards, mais avec de l’écoute, de la constance, et une proximité réelle avec les sujets humain
IV. La face connectée : intranet, articles et contributions distribuées
Pour les collaborateurs connectés, le dispositif repose sur une plateforme intranet baptisée OneImerys, intégrée à leur Intranet. Ici, les chiffres sont plus classiques : en moyenne, 600 vues par article, 20 à 45 likes, quelques commentaires. Ce sont des performances honorables pour une audience industrielle.
Les thématiques qui fonctionnent ? Projets de décarbonation, innovations locales, portraits de collaborateurs. Les lecteurs recherchent de l’humain, du concret, du partage d’expérience
Le modèle éditorial est agile. Il n’existe pas de newsletter dédiée à la Business Area. Ce sont des articles réguliers, publiés au fil de l’eau, et relayés par une newsletter corporate mensuelle, qui met en avant quatre actualités clés. Le format est sobre, mais cohérent avec les usages internes.
De plus via une page communauté dédiée à la BA chacun peut aussi contribuer en partageant les succès et les projets locaux. OneImerys ce n’est pas un intranet d’information, c’est un espace de reconnaissance, de valorisation, et de fierté partagée